Au temps present, Amour en deux sortes se prend,
En l'une Dieu l'ordonne, en l'autre il le reprend.
Pour ce, vous advertir,
ma Sainte, je veux bien,
De quelle amour s'enflamme envers vous le cœur mien.
Celle grande vertu, qu'en vous je voy reluire,
La seule occasion ha esté, de m'induire
À vous parfaitement aymer, d'une amour forte,
Amour, dont, si je puis, je vay dire la sorte.
Mon corps n'est amoureux de vostre chair,
Madame,
C'est mon esprit qui est amoureux de vostre ame.
Il est vray que l'esprit, par naturelz accords,
En tout fait estre à soy obeissant le corps,
Mais l'esprit ne voulant qu'à la vertu entendre,
Fait que le corps ne puisse autre chose pretendre.
S'il vous plaist donq, au corps l'esprit commandera
Qui sa vie pour vous cent fois hazardera,
Et quand, pour vous, par mort seroit ma vie esteinte,
O qu'heureux je serois de mourir pour
ma Sainte !
Laquelle j'attendrois es haults cieux, pour ainsi
L'adorer saintement comme je fais icy.